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Digne d’un titre de la saga Pirates des Caraïbes, le tombeau des Caraïbes est un site martiniquais situé entre Saint-Pierre et Le Prêcheur. Ce lieu plein de mystère a une histoire forte et émouvante, à découvrir absolument ! 

 

Falaise se situant à 5 km au nord de la ville de Saint-Pierre, le tombeau des Caraïbes est également nommé « coffre à morts ». Butte de forme allongée cernée par une coulée de lave, ce lieu où le silence est maitre ne laissera pas indifférent de part son histoire et son aura.

Même si Christophe Colomb a découvert la Martinique en 1502, la véritable conquête de cette terre s’est faite en 1635 par Pierre Belain D’Esnambuc et ses hommes. Ils s’installèrent au Nord-Ouest et décidèrent grâce à des cadeaux et promesses, d’amadouer les autochtones et ainsi avoir la possibilité de s’étendre à travers le pays. Conscients de leur supériorité numérique et leur connaissance du terrain, les Caraïbes (nom du peuple amérindien) acceptèrent de laisser les côtes du Nord-Ouest à cette nouvelle population venue d’ailleurs.

Malheureusement… Et c’est là que l’expression « trop bon, trop con » prend tout son sens ; une fois bien installés (ils construisirent le fort Saint-Pierre), les colons décidèrent de prendre le contrôle total de l’île, ne laissant aucune chance au peuple amérindien. La méthode était simple : repousser les Caraïbes et les obliger à quitter l’île ou abdiquer et reconnaître la souveraineté de la France. Ceux qui n’acceptaient aucune des deux méthodes, étaient exécutés. Une bien triste fin pour un peuple qui a offert son hospitalité.

 

Entre légende et réalité…

 

Les légendes ne cessent de s’étendre concernant ce lieu mythique et mystique… Et d’ailleurs selon l’une d’elles, la falaise serait le lieu d’un suicide collectif.

En effet, ne voulant pas être soumis aux colonisateurs, les derniers Caraïbes se jetèrent du haut de cette falaise, à la mer. Ainsi avant leurs morts, le chef des Caraïbes formula une dernière parole : « La montagne de feu me vengera » (référence à la Montagne Pelée). Véritable malédiction ou pas, la montagne les a effectivement vengé en exterminant environs 30 000 personnes lors de l’éruption volcanique de 1902 (éruption la plus meurtrière du XXe siècle).

 

Malheureusement, aucun document ne révèle la véracité de tels faits, divers ouvrages révèlent l’existence d’un saut de la mort, mais cet événement se déroula à Grenade, lors de la conquête de l’île par les français en 1650. De plus les diverses cartographies retrouvées ne mentionnent absolument pas de « Tombeaux des Caraïbes ».

Le maitre de conférences en géographie Pascal Saffache affirme qu’au XVIIe siècle, les côtes étaient plus larges et plus sableuses ; il était techniquement impossible pour des êtres humains de se jeter à partir de ce rocher, à la mer.

 

Pour d’autres, il ne s’agirait pas d’un suicide, mais plus d’un massacre commis par les colons. Ils auraient ramenés les derniers amérindiens sur la falaise pour les exterminer et jeter leurs corps.

 

La réalité est qu’en 1658, après la mort du général Jacques Dyel du Parquet (acheteur de l’île en 1651), sa femme décida d’entreprendre des démarches pour que l’île revienne à ses fils. Le besoin supplémentaire des terres et la cohabitation avec les Caraïbes commençant à dégénérer (les indiens caraïbes logeaient des esclaves fugitifs), une décision fut prise. 600 hommes attaquèrent ce peuple… Nombreux furent tués, emmenés en captivité ou expulsés. Ce génocide poussa les Caraïbes à s’expatrier dans les îles voisines, comme la Dominique par exemple.

En 1960, un nouveau traité de paix sera signé à Basse-Terre (Guadeloupe) avec les quelques Caraïbes ayant survécu.

 

 

Que voir au tombeau des Caraïbes ?

 

Non loin, aux abords de la route menant à Saint-Pierre et au Prêcheur, il est possible de découvrir un mémorial en hommage au peuple des Caraïbes. Un rocher blanc s’élève et on peut y voir 34 poteaux blancs avec des visages sculptés (des totems) plantés tout autour, dans la terre. Sur ces poteaux, nous pouvons lire diverses citations poétiques dédiées aux communes de la Martinique.

 

Ajoupa Bouillon : souffrance, pardon d’avoir blessé ta mémoire.
Basse Pointe : Mon présent, j’ai souffert sois libre.
Carbet : Conviction, je me suis battu pour libérer la liberté qui est en moi.
Diamant : la rebelle, ma mémoire à survécu ton Ame est libre.
Morne -vert : Temps, j’ai pansé  les souvenirs de tes souffrances.
François : Liberté, qu’est-ce que la victoire, il y a point de lutte.
Marigot : Cri, douleur gardien de la mémoire.
Vauclin : Dernier départ, je ne suis pas parti, j’ai juste continué ma route.
Sainte Luce : Lueur, espoir gardien de conscience.
Trinité : Personne, je suis l’homme aux mille visages.
Robert : Promesse, qui me porte vers l’infini déjà  fini.
Saint Joseph : Poussière, je me suis mesuré au temps.
Marin : Regard, chemin faisant j’ai pénétré ma raison d’être
Fort-de-France : Identité, je suis… le temps qui me mène á ma raison d’être.
Prêcheur : mes vérités, les souffrances sont réelles, les joies éphémères.
Sainte Anne : Mémoire, la pensée vient à moi et demeure en moi.
Schœlcher : j’ai vu l’infini
Rivière Pilote : Ma destinée est volontaire
Trois Ilets : Force, le même homme est bon, le même homme est mauvais.
Lamentin : Destination, je vais où me porte le vent
Grand Rivière : Fin, à l’infini j’ai trouvé la route.
 Morne Rouge : Profondeur, j’ai rencontré l’absence.
Case Pilote : Cent temps, un murmure d’âge qui murmure dans l’infini.
Sainte Esprit : Pardon, un don qui se partage.
Saint Pierre : Avenir, l’avenir se nourrit du présent de mon passé.
Fond saint Denis : Conscience sans entraves, les chaines ne peuvent pas enchainer la liberté.
Gros Morne : Souvenir, je porte en moi un monde de mystère.

Ces sculptures furent créées par Chantal Hippocrate, en 2008.

 

 

Conclusion

 

Certains diront qu’il n’y a rien d’extraordinaire à voir, d’autres seront émus par cette histoire… Dans tous les cas, le tombeau des Caraïbes est un lieu historique, un lieu de mémoire, une partie sombre de l’histoire de la Martinique que nous ne devons pas oublier. Entre mythes et légendes, le tombeau des Caraïbes a réussi à faire parler de lui à travers les siècles.

 

Les quarante vieux chefs, issus des Galibis,
Qui revenaient joyeux de leurs courses lointaines,
Abordèrent enfin à l’anse où les granits
Semblent de lourds géants couchés au seuil des plaines.

Mais l’instant qu’ils rêvaient fut sinistre et brutal,
Car la lune au zénith, illuminant la plage,
Leur montra tout à coup les carbets de santal
Consumés à jamais par les feux du carnage.

Les conquérants venus des vieux mondes lointains
Avaient, dans le dédain de leurs haines altières,
Fauché la race faible et consommé, hautains,
Le massacre sanglant des rouges insulaires.

Alors les vieux guerriers, quittant le fond de l’anse,
S’en furent vers l’abîme où gémissait la mer.
Ils avaient oublié le rêve de vengeance,
Car ceux qui vont mourir n’ont pas le coeur amer…

Quand la lune au matin atteignit l’horizon,
Dans un triste déclin où pâlissait sa face,
Les Caraïbes roux dirent un chant de grâce,
Puis, se crevant les yeux, burent d’un clair poison.

Tous alors, se jetant du haut des promontoires,
Tombèrent dans l’abîme où sommeillent les eaux.
Dans son linceul tissé de splendeur et de moires
La mer à tout jamais engloutit leur repos.

Ils murmurent ainsi sous un ciel splendide,
Dans l’étincellement des océans muets,
Ivres d’enfin trouver, dans la lune candide,
Les songes éternels sous les bambous fluets.

 

Poème du domicain Daniel Thaly : « La mort des Caraïbes »