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Ces dernières années ont été émaillées de plusieurs scandales et découvertes de pratiques pour le moins douteuses à l’université désormais tronquée des Antilles. Ceregmia, Centre d’études et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée voici le nom par lequel le scandale arrive. Un nom désormais associé à la marque/tâche indélébile du détournement.

Mars 2014, une information judiciaire pour «escroquerie en bande organisée et détournements de fonds en bande organisée » au sein de l’université des Antilles et de la Guyane (UAG) est annoncée comme imminente par le procureur de la République de Fort-de-France, alors en place, Eric Corbaux. Alors que l’UAG est déjà confrontée à de nombreuses difficultés en Martinique (crises internes, départ annoncé du pan guyanais de l’université, enquêtes dirigées par le SRPJ, ouvertes en mai 2013 sur l’opacité de gestion du Ceregmia), l’université voit éclater le scandale du Ceregmia.

« Compte tenu des preuves rassemblées » et de « soupçons graves », le procureur de la République de Fort-de-France a finalement annoncé, vendredi, l’ouverture d’une information judiciaire. Il décide « d’ouvrir une enquête au niveau de la juridiction interrégionale spécialisée de Martinique », afin de faire toute la lumière « sur d’éventuels détournements et escroqueries commis au sein de l’université ». Le procureur précise alors que des fonds publics sont concernés, « y compris des fonds européens », ce qui relève de fait le niveau de la supposée infraction.

 

Le Ceregmia, ce laboratoire de recherche somme toute assez classique, sort de l’ombre et de quelle manière ! Ses dirigeants, Fred Célimène et Kinvi Logossah, sont accusés d’avoir détourné des sommes colossales de l’université. Après cette annonce, les choses s’accélèrent et les premières sanctions tombent : ils sont suspendus de leur fonction à titre conservatoire pour une durée de 12 mois et interdits d’accès à l’université en accord avec le recteur et le ministère. Le doyen de la faculté de droit et d’économie, Éric Carpin, également mis en cause, s’est vu, lui, retirer sa délégation de signature.

La sanction du CNESER (Conseil National de l’enseignement supérieur et de la recherche) tombe : Fred Célimène est interdit d’exercer ses fonctions de directeur de laboratoire de recherche pendant cinq ans. Kinvi Logossah et Eric Carpin ses adjoints reçoivent un blâme. Jugeant ses sanctions insuffisantes à la vue des faits reprochés, Corinne Mencé Caster fait appel et obtient gain de cause. Fred Célimène est révoqué ? Kinvi Logossah son adjoint est suspendu pendant cinq ans avec suspension de salaire, Eric Carpin, l’est pendant deux ans.

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Corine Mencé-Caster élue il y a tout juste un an à la présidence de l’université l’annonce dans un courrier adressé le 26 mai 2014 aux personnels de l’établissement et entend « restaurer des conditions normales de gestion dans le laboratoire Ceregmia et enrayer un climat délétère indigne de la communauté universitaire ».

Ce groupe de recherche aurait en effet détourné plus de 10 millions d’euros de fonds européens, et cela, sur plus de deux décennies. Les suspicions sur ces malversations ont été consignées dans quatre rapports : deux de la Cour Régionale des comptes, un autre du Sénat auquel d’ajoute le rapport de l’IGAENER (Inspection Générale de l’Education Nationale et de la Recherche. Face à un vaste système de détournement de fonds européens

A ce stade il est important de savoir qu’une dizaine d’années avant que le scandale du Ceregmia n’éclate, Fred Célimène avait déjà été traduit devant le Conseil de discipline de ce qui était à l’époque l’UAG à cause d’un rapport accablant de la Cour des Comptes sur ses pratiques et celles de ses affidés ! Tout était déjà dans ce premier rapport : fausses factures de pseudo-travaux, imitation de la signature de collègues sur des documents officiels, utilisation de noms de collègues pour des billets d’avion, délit de favoritisme…

La volonté est délibérée de gérer dans la plus grande opacité des conventions financées sur les fonds européens dont le volume a atteint en trois ans, entre 2009 et 2012, plus de 13 M€ dont près de 9 M€ de FEDER (Fonds européens de développement régional), et de s’affranchir des règlements européens et nationaux. Elle sert des intérêts personnels en impliquant membres et collaborateurs du CEREGMIA. Elle sert une ambition personnelle centrée sur un laboratoire que M. Célimène dirige depuis bientôt trente ans,

Dans cette affaire, où les premiers dysfonctionnements ont été observés il y a près de quinze ans, le rôle des pouvoirs publics ne lasse pas d’interroger. Après un an d’enquête de la section régionale de la police judiciaire de Martinique sur le fonctionnement de ce laboratoire, une information judiciaire a été ouverte le 7 avril 2017 pour « détournement de fonds publics » et « escroquerie aux subventions en bande organisée ». Mais force est de constater que le ministère de l’enseignement supérieur, qui s’est finalement décidé à agir, est resté bien longtemps aux abonnés absents.