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Frantz Laurac est un musicien et compositeur hors pair, qui a toujours su cultiver son rapport au monde, tout en conservant son intégrité. Il nourrit un amour sans nom pour les percussions ancestrales des « ka » ces gros tambours qui nous ramènent vers une époque au lourd passé. Le temps de l’esclavage… Les musiques créoles traditionnelles tirent leur source dans les rythmes africains gardés en mémoire par les esclaves. Pour eux, malgré les interdits du Code Noir, la musique était un moyen de fuite, d’évasion et de communication au même titre que la langue créole.

Frantz Laurac et son éclectisme musical redonnent vie à  ces musiques longtemps mal vues dans la société post coloniale. Il fait d’elles, l’une des pièces maîtresses de son œuvre en les combinant au jazz. Il les sublime et leur insuffle une autre dimension plus aérienne et contemporaine.

Frantz Laurac, « un jazzman enraciné vif »

Dès son plus jeune âge Frantz Laurac cultive son goût pour la musique. Il commence le piano à l’âge de 5 ans sous les encouragements de sa mère, professeur de musique et sa grand-mère directrice de la chorale municipale au François, en Martinique. “ Au collège, je me suis rendu compte que j’entendais la musique.” Il est alors repéré par l’option musique, il intègre donc cette classe afin de suivre ce cursus. Au lycée, il poursuit ses cours avec Valérie Pelrose, professeur de musique à l’école Suzuki. Suite à quoi, c’est tout naturellement qu’il s’inscrit au CAPES d’éducation musicale à Paris. Mais finalement déçu de son choix initial, il change de voie afin de devenir musicien professionnel.

En Martinique, il fait sa première apparition sur la scène musicale antillaise en tant que leader, dans le cadre des concerts « Biguine Jazz » en 2011. Il est accompagné par Michel Alibo à la basse. Il est aussi sollicité pour accompagner également d’autres artistes du même registre, tels que Luther François, Nicolas Lossen ou encore Eric Pédurand.

Durant sa jeunesse ses influences sont variées. De mère martiniquaise et aussi de père guadeloupéen, la musique traditionnelle guadeloupéenne comme le léwoz ou le kaladja berce son enfance. Il est également passionné de musique classique. Ce n’est seulement qu’au lycée, lors d’ateliers de musique traditionnelle, qu’il est initié au Bèlè par Etienne Jean-Baptiste. Frantz Laurac tombe sous le charme, c’est un véritable coup de cœur pour cet instrument traditionnel de la Martinique. De plus, Frantz avait déjà été sensibilisé à la musique caribéenne avec notamment Michel Camilo, Chucho Valdes, Gonzalo Rubalcaba, des musiciens cubains pour la plupart. Au sein de la Caraïbe, quatre grands pianistes le touchent particulièrement: Marius Cultier, Alain Jean-Marie, Mario Canonge, Chyco Jehelmann.

Sa toute première composition « Dostaly » en hommage à ses origines franciscaines, donne le la à son album « Pakala » subtile mélange entre le jazz et les musiques caribéennes (dont le bèlè martiniquais). On y retrouve des sonorités traditionnelles brutes relevées d’une touche jazzy. “Pakala” c’est une igname, “une racine” comme on la nomme au péyi. C’est un légume aux fibres démultipliées et robustes, qui représentent les différentes “connexions” – les directions de cet album. Un titre choisi consciencieusement par l’artiste. Cet album c’est tout un voyage: une sorte de métamorphose liée à ses racines. Une interprétation du genre traditionnel. Il conserve une créolité en tant que base qu’il transporte sur des airs de jazz contemporain. Pour cet album, il s’est entouré des frères Castry, eux aussi sont de fins connaisseurs de musiques traditionnelles. Jussi Paavola est finlandais, il a sa propre culture mais connaît très bien les musiques noires afro comme le bebop, Massimo Parker par exemple. Ce qui est important dans ce projet c’est l’idée de diffusion des valeurs et de la culture. Durant la composition, sous l’égide de Frantz, chaque musicien a su apporté “sa couleur”, sa propre touche perso.

En plus de diriger ses propres projets musicaux, Frantz Laurac a eu la chance de côtoyer beaucoup d’artistes. Des chanteurs aux univers parfois très proches du sien mais aussi d’autres au style plus éloigné. Ainsi, il a collaboré avec entre autres :

  • Erik, Esy Kennenga, Loriane Zacharie, Nestor Azerot, Edmond Mondésir
  • Nicolas Lossen, Luther Francois, Sylviane Howard, Pitchens Kambilo, Malika Tirolien
  • Grand Corps Malade, Black Kalagan
  • Riddla, Admiral T, Paille, Missié Sadik, Singuila, Daddy Yod, Lyricsson

Ce qui est sûr c’est que Frantz sait apporter son aide et son talent ravageur, en s’associant  le temps d’un morceau, à des grands pour qui la Musique est une seconde nature.

Sa musique, il la perçoit comme une partie de lui-même, un reflet de son histoire, à l’instar de son ouverture sur le monde et du melting pot caribéen. « La Musique a soigné mon âme »

Introverti dans le passé – avant de pratiquer son art de prédilection- Frantz Laurac noue des liens très intimes et fusionnels avec la musique. Elle lui a permis de s’exprimer et de se dévoiler. Elle est aussi pour lui un moyen de communiquer avec le monde qui l’entoure. Il a d’ailleurs pu jouer avec des gens avec lesquels il ne pouvait pas communiquer verbalement. “Quand je dis que la musique a soignée mon âme, c’est qu’on souhaite toujours se surpasser comme un athlète qui fait un 100 mètres, le but c’est de se dépasser soi-même, pas forcément de dépasser l’autre. C’est là que c’est intéressant ça crée une émulation.”

Une belle philosophie de vie que l’artiste s’est forgée grâce à la Musique et à sa culture.