Sélectionner une page

99 années de vie, Athénaïse Ludovique Bach Dino dit « Solange » ou « MAN SOSO» est une figure emblématique de la Guadeloupe. Comment ? Pourquoi ? Nous vous présentons le portrait d’une femme « potomitan ».

 

En 1947, le quartier de Jabrun (Baie-Mahault) accueillit une femme intelligente, travailleuse, qui malgré ses lacunes scolaires (elle ne savait pas écrire), s’est toujours battue pour faire respecter ses droits et sa personne.

Elle souhaitait voter, mais ne sachant écrire, elle trempait son pouce dans de l’encre en guise de signature, avant d’apprendre à signer son nom. Travail agricole, restauration…Cette femme déterminée est une touche-à-tout, mais c’est dans la musique qu’elle s’est totalement épanouie !

Passionnée par le « GWO KA », Solange a passé le reste de sa vie à se consacrer aux trésors de sa terre natale. Amoureuse des traditions, du chant et de la musique, « MAN SOSO » souhaitait faire perpétuer sa culture. Quoi de mieux que les musiques traditionnelles et plus précisément la culture du GWO KA.

 

………………………………………………………………………………………………………………………………………..……

Qu’est-ce-que le GWO KA ?

Née au 17e siècle à l’époque de l’esclavage, cette musique est exclusivement chantée en créole. Véritable emblème de la Guadeloupe, elle a « accompagné – et ceci est encore le cas aujourd’hui – les Guadeloupéens dans leurs moments forts de luttes et de revendication » et « synthétise véritablement l’Homme guadeloupéen » selon Thierry Gairouard, régisseur du festival GWO KA de Sainte-Anne.

 

Ayant pour base le trio tambour/chant/danse, le GWO KA accorde une large place à la voix. Musique de tradition et de mémoire, elle est transmise de génération en génération.

Le 26 novembre 2014 a été son année de gloire, elle est officiellement inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Il en a découlé de nouveaux défis comme : la formation de musiciens, la vulgarisation de son répertoire et d’autres actions pour préserver et revaloriser cet héritage culturel.

 

Pourquoi toutes ces actions ? Selon le président du centre « Rèpriz », Maitre Félix Cotellon, il s’agit de « mieux connaître et sauvegarder le patrimoine musical ancien et actuel de la Guadeloupe…Tout en favorisant la continuité, la transmission et le renouvellement des musiques traditionnelles et populaires… à destination de tous les jeunes guadeloupéens, qui ne doivent pas ignorer ou sous-estimer la valeur de leur propre culture. »

………………………………………………………………………………………………………………………………………..……

 

En 1960, début de la crise de l’industrie sucrière, la maison de « Man Soso » devient le lieu d’accueil des « Maitres Ka ». Véritable pain béni pour cette adoratrice de la musique et culture GWO KA, elle y côtoie de grands noms comme « Carnot », « Baguy », « Kristen Aigle ». Sa popularité ne cesse d’augmenter et elle finit par devenir la doyenne des artistes de la Guadeloupe. Elle organisait des swarés léwoz (soirées aux tambours), à deux pas de chez elle, dans la commune de Baie-Mahault.

 

Au fil des années, Madame « Man Soso » a fait de sa demeure le lieu des rencontres et des représentations de la culture traditionnelle guadeloupéenne. C’est dans la joie et le chant que cette grande dame a rendu son trésor aussi accessible et populaire.

Une action que la Guadeloupe a décidé d’honorer en créant une manifestation qui lui est dédiée : le « Léwoz aka Man Soso ». Incontournable soirée traditionnelle réunissant plus d’une centaine de personnes et se déroulant près du domicile de la « gardienne du léwoz sur l’habitation Jabrun ». Jusqu’à tard dans la nuit, les maitres du GWO KA se succèdent dans une totale improvisation, le public constitué de locaux et touristes participent avec bonheur et en donnant de la voix, à ce pure moment de tradition.

 

………………………………………………………………………………………………………………………………………..……

GUY CONQUET (ou KONKÈT), fils d’une grande dame.

Fils de « MAN SOSO », il a également suivi les pas de sa mère et s’est pris de passion pour le GWO KA. Il assiste, très jeune, au déploiement de la culture guadeloupéenne et devient auteur/compositeur/chanteur.

Homme au caractère bien trempé, il n’hésite pas à dire ce qu’il pense dans ses chansons. Lors des émeutes de 1967, sa chanson « Gwadloup malad’o » (porte-drapeau de cette période) a été censurée et interdite de diffusion sur les radios de l’époque.

 

Mort le 23 Mai 2012 dans la maison de sa mère à Jabrun, Mr Guy Conquet était âgé de 62 ans. Il laisse derrière lui une musique où se croisent mélancolie et révolte, notes jazzy, blues et biguine. Une voix inimitable, un style envoutant dans lequel le GWO KA a toute sa place.

 

Mr Guy Conquet c’est : « Sou kon sentwa », « La pli ka tombé », « Ban kle a titine » et bien d’autres…


………………………………………………………………………………………………………………………………………..……

 

Cet hommage, Mr Ary Chalus (ancien maire de Baie-Mahault et président du Conseil Régional) a voulu l’étendre en offrant à « MAN SOSO » une stèle réalisée par le sculpteur Jacky Poulier. Une cérémonie (Nou ké Gloryé MAN SOSO) qui a été célébrée le 17 septembre 2017 sur l’espace international du ka, des tambours et arts du sud de Petit-Canal. Cette œuvre fut nommée « Les Amarreuses de Jabrun » et se situe au rond-point de Jabrun. Rajoutons à cela qu’une rue, non loin de son habitation, porte également son nom.

Un véritable hommage pour cette grande dame, figure emblématique de la culture et de l’histoire de la Guadeloupe.

 

 

« Man Soso » est morte le 22 Octobre 2017. Fanm potomitan, fanm doubout, femme engagée, femme respectée et appréciée de tous ; Solange a marqué l’histoire et la culture de son île. Son amour du GWO KA, elle l’a transmis par la danse et le chant, elle en était tellement amoureuse, qu’elle mit au monde un tambouyé exceptionnel du nom de Guy Conquet. Un homme tout aussi prestigieux que sa mère, un homme qui « faisait chanter le Ka ».

Ary Chalus, personnalité publique et ami proche de Solange s’est exprimé : « J’étais avec elle, sur la terre du Lewoz, cette terre qui a vu naître Guy Conquet. J’ai tenu à être aux côtés de celle qui est la marraine de mon premier mouvement politique, L’alliance Baie-Mahaultienne, et qui demeurera une figure emblématique de la culture Guadeloupéenne. Toujours présent à ses côtés, je n’aurai pas la chance de lui tenir la main pour ses 100 ans. Merci encore, Man Soso, pour tout ce que tu m’as apporté. »

« Man Soso », c’est la fierté d’un peuple, l’emblème d’un pays.

 

 

Au revoir Madame.