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La scène, pour cette jeune guadeloupéenne martiniquaise, depuis petite elle en rêve, la musique elle est née dedans ! Pour ses 10 ans, son grand-père maternel, lui-même guitariste, lui offre sa première guitare. Au contact de ses proches, elle développe une passion significative pour la musique. Elle s’essaie alors à la batterie, au clavier, à la guitare et au chant, sans véritablement suivre de formation, (excepté pour la batterie).

Au cours de son adolescence, elle se produit dans divers évènements en tant que guitariste du groupe Swing 7, créé par son parrain. Ils interprètent des grands classiques, Zouk, variété française, ainsi que leurs propres compositions. Elle continue à s’entrainer avec les musiciens chaque semaine en studio. Cependant, ne souhaitant pas renoncer à ses études, elle décide de minimiser le nombre de ses représentations publiques.

Mais en 2012, elle est repérée par les internautes, via ses covers sur YouTube. Elle fait notamment le buzz grâce à sa reprise du titre « Rèv an mwen » de Patrick Saint-Eloi ainsi qu’avec son interprétation de « Vini Séré » initialement chanté par Jocelyne Béroard qui dépasse la barre des 40 000 vues. Elle est alors remarquée par Antonny Drew et son label Sérénité Events qui la signe et avec qui elle sort son premier single « Good Vibe ». A la sortie de son second titre phare « Aimer », elle accède à la 1ère Partie d’ Esy Kennenga à l’Olympia. Elle fait désormais partie des artistes antillais de qualité, qui comptent, dans un style acoustique-zouk-reggae.

 

Lycinaïs Jean, une artiste qui s’émancipe

Lycinaïs Jean c’est d’abord une bouffée d’air frais dans le paysage actuel du zouk et de la musique antillaise. Suite à son coming-out, elle permet à une communauté, au-delà même du fait de s’exprimer, de s’afficher enfin et de pouvoir s’assumer aux Antilles. Et cela par le simple fait de sa présence sur le devant de la scène. En effet, il s’agit de la communauté LGBT qui malheureusement de façon honteuse, reste un tabou dans la société afro-caribéenne.

En effet, rien qu’à l’analyse du vocabulaire créole relatif au thème de l’homosexualité, les termes employés pour désigner les gays « makoumè » et les lesbiennes « zanmi » (plus rare) sont tous porteurs d’une connotation péjorative, dégradante et insultante ; et qui traduis en français relèvent d’un vocabulaire injurieux voire homophobe. Des mots incorrects qui mêlent à la fois clichés nauséabonds et rapprochements de pensées limites : par exemple, l’insinuation perpétuelle, derrière ces termes, d’une efféminisation démesurée de l’homme homosexuel, très mal perçue. Ils sont le reflet d’une volonté d’étouffer ou de nier cette communauté au sein des sociétés antillaises qui sur ce sujet-là ont des valeurs trop archaïques et faussées.

Dans ses paroles et dans ses clips, Lycinaïs rompt donc avec les codes, qui trop souvent de manière générale notamment dans l’univers du zouk, n’exposent systématiquement que des couples hétérosexuels d’hommes et de femmes cisgenres.

La force de Lycinaïs Jean : réussir à déconstruire nos schémas et nos attentes préconçues et on doit bien l’avouer parfois restreintes.

Elle le fait de la façon la plus naturelle possible, sans engagement suraffiché, ses musiques sont tout simplement des mots d’amour, délivrés d’une voix angélique et sensuelle sur un arrière fond de guitare sèche. Un régal pour les oreilles, et sur l’écran, une surprise pour certains mais surtout pour d’autres un rééquilibrage nécessaire au niveau des représentations qui met en joie.

Elle met en scène sa vie personnelle, celle d’une jeune femme épanouie pleine de vie et éprise d’une femme. Impactant de façon visuelle le public, Lycinais modernise, et même humanise les idées d’une grande partie de la communauté afro-caribéenne.

Pour la petite anecdote, c’est « Aimer » qui a été choisie comme musique de cérémonie, lors du premier mariage gay en Martinique dans la commune de Carbet. Un mariage qui scelle l’amour de Rosemonde et Myriam, deux concubines qui se sont empressées de s’unir en juin 2013 ; la même année où la loi française c’est elle aussi ‘mise à la page’, en votant la loi sur « Le Mariage pour Tous ».

Lycinaïs Jean n’a pas peur de répondre à travers ses clips à des situations un peu cocasses imaginées par ‘les curieux les plus déstabilisés’… Comme dans son titre « Sirèn » en collaboration avec le chanteur de trap Keros’n où celui-ci tente de la séduire mais en vain. Médusé, il se heurte au refus de la jeune femme en lien avec son orientation sexuelle, mais ce dernier persiste ce à quoi la chanteuse lui répond « Pa pran-y mal mèsi mè non mèsi [ Ne le prend pas mal, merci mais non merci] (…) En terme de jeux j’suis pas échec mais plutôt dames. An tan kè gyalis ou pé konprann an adikt a sé médam! [En tant que playboy tu peux comprendre que je suis addict à ces femmes !] ».

 

En espérant que ce billet qui est un appel à la tolérance, vous ait fait prendre conscience de certains enjeux à travers le portrait de cette artiste talentueuse, aux chansons d’amour qui parlent à tous et pour tous.

L’Amour n’a pas de visage prédéfini. 

Pour finir, ce qu’on aimerait dire à Lycinaïs Jean c’est tout simplement : Merci !